Note de lecture

Laurence Verrey, De la soif, Bernard Campiche éditeur

« L’expérience de la traversée est la seule expérience » écrivait Christian Gabriel/le Guez Ricord dans Rosace. Comment ne pas éprouver ici, dans ces pages de Laurence Verrey, le témoignage d’une telle pratique ? La survenue du poème, tout d’abord, ce temps intime, enfoui, profondément mystérieux, qui un jour déborde la vie entravée et sort des entrailles : « un coup de grisou balayait le vieux silence ».

Expérience de pulsion, d’arrachement, qui plus tard se donne comme un recours, un espace où revenir « en écho à parler », sous le signe de Philippe Jaccottet. Et puis viennent ces gestes qui apprennent d’une expérience ou d’une rencontre à l’autre à insister pour « éclaircir l’énigme ». La suite des poèmes de Laurence Verrey nous offre ainsi, tout au long de ce livre, une métamorphose de l’acte d’écrire qui est ceci et cela, et plus encore le passage de ces différents états : fièvres, flux, frondes, fugues, feux, cartes, façons d’aller au monde à partir de la plus petite brèche jusqu’aux sentiments ouverts qui excèdent notre mesure.

Le lecteur trouvera ici une palette remarquable des champs de regard que l’auteure a traversés, alternant mouvements panoramiques et plan focal, saisies de voyages récents (Ode au Ventoux, Arménie 2024) ou vies de l’instant avec le « pollen polyglotte ». Une agilité sensible qui parvient à déployer et à ramasser, au gré de ce qui advient, comme à la découverte d’un jeu promis depuis l’enfance. Sur la route du ciel/ je marche à l’envers/avec les étoiles.

Le pain de l’amitié y a toute sa part comme ce « À pleine poitrine » dédié à l’ami poète Jean-Marie Berthier ou ce généreux « Entre île et aile » quand le voyage s’étire sans fin, offert aux poètes du groupe du Scriptorium. D’une île à l’autre, ainsi vont ces poèmes avec une progression rythmée où l’on reconnaîtra tout l’art musical de l’auteure de Lutter avec l’ange.

De la soif est une nouvelle voix d’Antigone, face à l’avancée du désert, à la protestation du glacier et plus encore, face à la haine accablante. Un témoignage qui est aussi un testament déposé dans les mains de celles et ceux qui nous suivront. Ce pour quoi ce livre, sûrement l’un des plus importants dans l’œuvre de Laurence Verrey, et dont le titre sonne comme un traité de l’indicible nous touche tant :

« …aujourd’hui je dépose ma soif/ dans l’osier d’un berceau/ dans la clarté d’un visage au creux/

des bras aimés qui ne la trahiront pas/ je confie mon rire aux enfants/

des rues j’abandonne mon sort à/ ce qui vient et que je ne maîtrise pas. »

Dominique SORRENTE

Anne Mulpas, Macadam donna (ça me trouble), éditions de Corlevour

Au magnifique catalogue des poètes parus aux éditions de Corlevour, Anne Mulpas vient ajouter une voix très sûre et singulière qui prend ici racine en Terre, Terra, Gaïa ou tapis des vaches, en toutes sortes de décors plantés pour faire entendre en un recueil polyphonique les « trois protagonistes du vivier »

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John Reed, Broadway la nuit et autres écrits, Nada

Le livre de John Reed, 10 jours qui ébranlèrent le monde, a connu depuis sa première publication en 1919 à New York de nombreuses traductions et d’innombrables rééditions, devenant un best-seller international depuis plus d’un siècle. Actuellement, en France, il en existe deux éditions de poche et plusieurs brochées, la meilleure et la plus complète étant sans doute celle des éditions Nada…

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Howard Fast, La route de la liberté, Les bons caractères

Auteur fécond et divers, le romancier et scénariste états-unien Howard Fast (1914-2003), d’origine juive ukrainienne, est l’auteur d’une cinquantaine de romans et de plusieurs recueils de nouvelles. Adhérent du Parti communiste américain, il figure aussi parmi les victimes de la commission McCarthy.

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Mélusine Reloaded, Laure Gauthier, éditions José Corti

Jour chômé_un temps pour soi. Derrière la porte close, choisir un livre, se laisser appeler. MÉLUSINE RELOADED > une fée pour recharger les batteries, trouver des munitions, celles du vivre et du créer. Un conte écoféministe, un roman dystopique… oui sans doute… mais avant tout un geste.

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Gérard Macé, Silhouette parlante, éditions Gallimard, par Etienne Faure

Pour celles et ceux qui ont la chance de lire régulièrement Gérard Macé, c’est toujours le sourire aux lèvres qu’ils abordent un de ses nouveaux ouvrages. Car cette voix très distincte, distinguée, feutrée – et même féroce– nous a habitué à lire avec cette légère distance focale entre les lignes de la vie qu’il donne à voir sous forme d’essais, de notes, de déambulations, de colportages…

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François Bordes, Zone perdue, par Anne Mulpas

Zone perdue – fragments d’itinérance. Je reprends ma chronique. Sa première version date déjà d’il y a trois semaines. A L’ours & la vieille grille. Sa deuxième version s’impose après mon cheminement dans l’exposition Rothko. Me voici au troisième temps du texte, à moins que ce ne soit le quatrième, le centième…

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Étienne Faure, Vol en V, éditions Gallimard – par Anne Gourio

Comme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à tire-d’aile…

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Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure

Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.

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Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet

Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…

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