Note de lecture
Thierry Romagné, Trois feux de langue, éditions Rehauts – par Étienne Faure
Un recueil qui commencerait par « Ahh, ahh, brr ! » et se clôturerait par « enfin en feu » serait bien prometteur. Un texte polyglotte prêt à tout. C’est en effet ce qui arrive au lecteur en découvrant cet étonnant et riche ensemble dont certains poèmes, pour notre bonheur, avaient d’abord paru dans plusieurs revues.
SINGULARIS (PORCUS) ; FRUITS DEFENDUS ; PÊCHE MIRACULEUSE : les trois temps qui composent ce recueil de Thierry Romagné seraient-ils une affaire de chasse, de cueillette et de pêche ?
Dès l’ouverture, avec singularis (porcus), le combat est au rendez-vous, livré dans un lit sous le signe d’un cauchemar enfiévré avec un sanglier, un gros porc, des idées noires qui glissent bientôt vers le rire… Des vers de longueurs variables qui peuvent se réduire à un ou deux mots, et qui ménagent de menues surprises, incises, rebondissements bientôt hilarants quand surgit l’inattendue sous-préfète. « Je suis ce sanglier » est la chute de cet ensemble qui mêle -avec hardiesse- « la harde/et les hures hérissées de soies rêches et noires », la cocasserie et l’érotisme en fourrure. Singulier. Après « Ahh, ahh, brr ! » le feu de la langue a opéré. C’est la rapidité du trait et le rire qui frappent immédiatement, en entrant dans ce recueil fait de textes assez courts et d’où la ponctuation est absente, hormis quelques points d’exclamation et d’interrogation, quelques virgules. Et des partis pris formels dans l’usage de l’italique et des variations d’interlignes.
Fruits fendus est cet ensemble délicieux qui accueille toutes sortes de pommes : « des abricots rubiconds/des poires caressées du regard/des pommes bien dans la paume/des pêches bigarrées/des fruits rafraîchissants/ réfléchissant/ la lumière sans l’ombre ». Tout à fois blessure, séparation et partage possible. Un ton grave mais également heureux, porteur de bonheur et de promesses : « un don un fruit mûr que l’on ne cueille pas tout seul/mais que l’on se voit offrir/parfois au bout d’un certain temps ». Y glissent lentement les saisons, de l’été à l’automne, avec la complicité du temps, allié majeur de ce recueil et de l’écriture de TH. Romagné : « un fruit fendu par l’auteur de nos jours/l’automne qui prend son temps » ; et encore : « l’automne n’est-il pas l’auteur/d’une certaine façon de vivre/sans tuer le temps ». Le temps du mûrissement qui fend les fruits « jadis verts ». Blessé. Fendu. Mais peut-être aussi apaisé. Car « Le temps est un grand maître, il règle bien des choses » dixit Corneille cité en ouverture de ces beaux fruits qui déplacent et recyclent le geste déplacé des origines, par où les ennuis ont commencé, en geste du don « à portée de main ». Fruits fendus serait ce recueillement, un libre recommencement à la faveur du temps.
Et puis la pêche miraculeuse, introduite par une citation malicieuse de G. Macé qui annonce déjà la ligne : « La pensée dont la ligne s’enfonce en attendant que la vérité morde à l’hameçon ». Avec la complicité du prolixe Dédé, ombre « aux cheveux roux coupés court », il s’agira « de vivre de sa pêche/de vivre sa pêche/fil vibrant tendu/comme un octo ou un haïku/en tout cas pas un jour/comme dit l’autre/sans une ligne ». Le ton vif et la voix sont les mêmes, avec des tractations plus heurtées de mots –sans doute à cause de la pêche qu’il faut mener comme un combat, là aussi, et chercher toujours « à ferrer la joie ». Nous voici « dans l’air éteint par l’hiver » qui termine, quoique le mot « terme » soit joyeusement mis à distance, ce recueil, avec « le buste d’une saison ou d’un dieu/enfin en feu ». Un feu qui défait, protège et réchauffe. Ultime flamme de la langue qui donne le dernier mot à cette vive trilogie.
Etienne Faure
Gérard Bocholier, Vers le visage, Éditions Le silence qui roule, par Hervé Martin
Gérard Bocholier est l’auteur d’une quarantaine de livres de poésie. Il dirige la revue ARPA et est responsable de la rubrique poésie de l’hebdomadaire La Vie.
Florence Delay, Zigzag, par Serge Airoldi
Tout livre de Florence Delay arrive toujours avec son remarquable cortège de vivacité malicieuse, d’ardeur intacte, d’intelligence sans cesse renouvelée
François Migeot, Au fil de la chute, par Pierrick de Chermont
L’écrivain, que peut aussi être le poète, ne se recoupe pas forcément. Par exemple, entre l’essayiste de l’Art Romantique et le poète des Fleurs du mal
Jean Luc Marion, La métaphysique et après, par Pierrick de Chermont
Cet ouvrage, comme souvent chez l’académicien phénoménologue, est un récit fleuve portant sur l’enquête historique d’un concept : celui de la métaphysique
Robert Desnos, Poèmes de Minuit – par Jean-Paul Rogues
On ne peut s’empêcher de penser au dîner où un officier allemand déclare « il paraît que l’on vient d’arrêter vos deux plus grands poétes »
Frédéric Boyer, Évangiles, Gallimard – par Pierrick de Chermont
« Nous vivons en présence d’un Érasme de notre temps et nous ne le savions pas ». Voilà ce que nous nous disions lors d’une soirée suivant un récital de poésie…
Jean-Paul Bota, Lieux, éditions Tarabuste – par Étienne Faure
Voici avec Lieux le dernier recueil de Jean-Paul Bota. Un titre qui ressemble décidément à l’auteur et à toute son œuvre
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Finissant ce récit, je m’écriai pour moi-même : « Que de souvenirs pour une sans-mémoire !
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Avec La Gorge, Pierre Bergounioux entre dans le cercle de ceux, les rares qui, par leur prose, nous font franchir un seuil…
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Soir de février — 33e jour d’hiver sans pluie, souffle Iannis devant la Nouvelle Étoile
Au lendemain matin, François notre café-retrouvailles un poème…
Luis Mizon, par Sylvestre Clancier
Notre ami, le poète Luis Mizon, membre de l’Académie Mallarmé, nous a quittés à l’âge de 80 ans, le 30 décembre dernier.
Stéphane Barsacq, Solstices, Corlevour – par Pierrick de Chermont
Faut-il s’intéresser à nouveau à la Morale, entendue comme un pan de la littérature où une voix exprime sa vie intérieure sous forme de monologue, d’interrogations, de quête, de résolutions ; parlant de sa vitalité et de sa misère…
François Sureau, Un an dans la forêt, Gallimard – par Pierrick de Chermont
Blaise Cendrars. Un nom, un un-ivers, et pourtant il dégage une telle prolixité qu’il décourage toute tentative d’approche. En effet, quoi de commun entre la Prose du Transsibérien, Poèmes élastiques, Moravagine, Pâques à New York, L’Or, La main coupé, Petits contes nègres, etc. ?
Ervé, Écritures carnassières, Maurice Nadeau, coll. à vif – par Pierrick de Chermont
S’il est un livre à lire en 2023, c’est bien celui d’Ervé, un récit-témoignage construit par fragments, un texte à hauteur d’homme. Une vie de dignité depuis la DDASS jusqu’aux trottoirs, avec ses défonces, ses couches de vêtements…
Séverine, L’insurgée, L’échappée – par Charles Jacquier
Sympathisante libertaire et proche de Jules Vallès, Sévérine (Caroline Rémy, dite – 1855-1929) fut l’une des premières femmes journalistes. Au cours de sa vie, elle écrira plus de 6 000 articles…
Jack London, La peste écarlate, Libertalia – par Charles Jacquier
Publié en 1912, ce court roman d’anticipation méconnu de Jack London (1876-1916) imagine le sort de l’humanité, ou de ce qu’il en reste, quelques dizaines d’années après qu’elle a été frappée par un virus meurtrier.
Guy Debord, Histoire, L’échappée – par Charles Jacquier
Après les volumes Stratégie, Poésie etc., Marx Hegel (voir Phoenix, n° 32 & 36), ce nouveau volume des fiches de lecture de Guy Debord, conservées à la Bibliothèque nationale de France, est consacré à l’histoire.
Étienne Faure, Vol en V, éditions Gallimard – par Anne Gourio
Note de lectureComme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à...
Justyna Bargielska, L’enfant des dons, éditions LansKine – par Étienne Faure
C’est en version bilingue, grand luxe en ces temps, que le sixième recueil de la poète polonaise, Justyna Bargielska, est présenté par Isabelle Macor, traductrice, qui donne quelques repères décisifs en postface pour une entrée en matière dans ces trente-trois textes…
Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure
Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.
Eric Villeneuve, Tache jaune Monochrome bleu Sorte de blanc, éditions LansKine – par Étienne Faure
Eric Villeneuve est-il un grand enfant, nourri aux contes et au Danemark d’Andersen, entre Odense et Skagen ? Cet auteur qu’on a pris l’habitude de lire sous la rubrique « roman », livre ici un recueil un rien hybride qui prend son départ dans la force des mots, leur indépendance, dont, à la source, ceux de « Jensens, Brohus Odense ».
Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet
Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…