Note de lecture
Jean-Paul Bota, Lieux, éditions Tarabuste – par Étienne Faure
Voici avec Lieux le dernier recueil de Jean-Paul Bota. Un titre qui ressemble décidément à l’auteur et à toute son œuvre ponctuée de lieux depuis Un ailleurs quelque part, Le préau des collines, 2008, jusqu’à Chartres et environs, Les vanneaux, 2019, en passant par Venise, Les vanneaux, 2012 ou La boussole aux dires de l’éclair, Tarabuste, 2016. Cette fois-ci encore les lieux chers à l’auteur sont au rendez-vous, dont plusieurs déjà lus dans de nombreuses revues, parfois sous des formes différentes. Car Jean-Paul Bota fait partie des auteurs pour qui la parution en revue est une étape importante, manifestement, dans la fabrication d’un recueil.
On retrouve avec plaisir comme dans les précédents recueils cette voix particulière qui conduit dans des textes en prose des pérégrinations pensives, souvent dans les musées mais également dans les villes et certains lieux où le monologue de l’auteur déambule et fédère à la faveur d’une rencontre (avec un tableau, des souvenirs…) un faisceau de correspondances historiques, visuelles, esthétiques, anecdotiques, littéraires… S’en dégage comme à son habitude un certain sens de la digression et du télescopage dans chaque rencontre, principalement avec la musique, les écrivains, les poètes, et autres peintres.
Une espèce de pratique personnelle de l’Intertextualité insatiable qui vient sans cesse happer le rêveur – et par ricochet le lecteur appelé à entrer autant que possible dans ce dédale savant tout en érudition et en signaux multiples renvoyant le lecteur vers d’autres références – et l’embarquer plus avant dans cette rêverie labyrinthique. Une prouesse encyclopédique ? À chaque instant, Lieux nous place donc (comme La boussole entre autres) sous le signe du voyage aussi bien que celui du livre et de la peinture. Pas étonnant alors de retrouver des artistes chers à Jean-Paul Bota, qu’il a si souvent commentés selon les musées et les lieux où les tableaux sont arrivés à la faveur d’une histoire, d’une appartenance historique ou au gré des collections et de leur transfert. On y retrouve bien sûr à Londres Turner, Le Naufrage, les gravures qu’il en fait réaliser, la Tempête de neige et sa légende fameuse autour de la conception du tableau attaché « tel Ulysse à l’affront des sirènes solidement au mât d’un bateau par des marins comme il l’a plus tard raconté » qui relève peut-être davantage de l’anecdote mais qui soulève la question de l’expérience de la création en situation de terrain. Ce que renouvelle Turner avec l’incendie du Parlement qu’il tentera de saisir sur un bateau loué, pour être au cœur de l’événement « toute la nuit à peindre » et les abondantes aquarelles « dont il tirera deux tableaux spectaculaires… ». Constable est également au rendez-vous, et tant de noms qui parsèment ce recueil, dont bien sûr Soutine.
Les rues et les tableaux lisbonnais sont matière à convoquer d’autres références, depuis Dürer, Satie, Pessoa, ses pseudonymes et ses hétéronymes, Gaspar Dias et son Saint-Roch caché dans la chapelle éponyme de l’Eglise Saint-Roch. De même, la troisième partie consacrée à Nantes où J.P.B. invite, comme pour les précédentes, une série copieuse d’artistes et d’auteurs : Stendhal, Vallès, Gracq, Sacré, Vaché, Josse, Jules Verne, Julienne David, Baudelaire, Breton, Prévert, Rego, Laurencin, Picasso, Degas, Correia, Cravan, Gonzalez, Duncan, Flavin, etc.
Comment en ressort le lecteur après cette profusion si généreuse ? Ébloui d’admiration, pris de vertige devant tant d’érudition égrenée à chaque coin de phrase. Les dernières parties (Chartes, Airaines, Airaines à Chartes) offrent une déambulation plus paisible, un peu plus extérieure, en plein air, « Où les vaches là-bas paissent en hauteur à surplomber des cheminées roses & l’ocre des façades : taches blanches & noires à l’herbe…L’automne d’avance en esprit – pourquoi ? »
Étienne Faure

Florence Delay, Zigzag, par Serge Airoldi
Tout livre de Florence Delay arrive toujours avec son remarquable cortège de vivacité malicieuse, d’ardeur intacte, d’intelligence sans cesse renouvelée
François Migeot, Au fil de la chute, par Pierrick de Chermont
L’écrivain, que peut aussi être le poète, ne se recoupe pas forcément. Par exemple, entre l’essayiste de l’Art Romantique et le poète des Fleurs du mal
Jean Luc Marion, La métaphysique et après, par Pierrick de Chermont
Cet ouvrage, comme souvent chez l’académicien phénoménologue, est un récit fleuve portant sur l’enquête historique d’un concept : celui de la métaphysique
Robert Desnos, Poèmes de Minuit – par Jean-Paul Rogues
On ne peut s’empêcher de penser au dîner où un officier allemand déclare « il paraît que l’on vient d’arrêter vos deux plus grands poétes »
Frédéric Boyer, Évangiles, Gallimard – par Pierrick de Chermont
« Nous vivons en présence d’un Érasme de notre temps et nous ne le savions pas ». Voilà ce que nous nous disions lors d’une soirée suivant un récital de poésie…
Sabine Huynh, Elvis à la radio, Maurice Nadeau – par Pierrick de Chermont
Finissant ce récit, je m’écriai pour moi-même : « Que de souvenirs pour une sans-mémoire !
Pierre Bergounioux, La Gorge, Fata Morgana – par Jean-Paul Rogues
Avec La Gorge, Pierre Bergounioux entre dans le cercle de ceux, les rares qui, par leur prose, nous font franchir un seuil…
Ariel Spiegler, Le Mélange de l’eau, Corlevour – par Anne Mulpas
Soir de février — 33e jour d’hiver sans pluie, souffle Iannis devant la Nouvelle Étoile
Au lendemain matin, François notre café-retrouvailles un poème…
Luis Mizon, par Sylvestre Clancier
Notre ami, le poète Luis Mizon, membre de l’Académie Mallarmé, nous a quittés à l’âge de 80 ans, le 30 décembre dernier.
Stéphane Barsacq, Solstices, Corlevour – par Pierrick de Chermont
Faut-il s’intéresser à nouveau à la Morale, entendue comme un pan de la littérature où une voix exprime sa vie intérieure sous forme de monologue, d’interrogations, de quête, de résolutions ; parlant de sa vitalité et de sa misère…
François Sureau, Un an dans la forêt, Gallimard – par Pierrick de Chermont
Blaise Cendrars. Un nom, un un-ivers, et pourtant il dégage une telle prolixité qu’il décourage toute tentative d’approche. En effet, quoi de commun entre la Prose du Transsibérien, Poèmes élastiques, Moravagine, Pâques à New York, L’Or, La main coupé, Petits contes nègres, etc. ?
Ervé, Écritures carnassières, Maurice Nadeau, coll. à vif – par Pierrick de Chermont
S’il est un livre à lire en 2023, c’est bien celui d’Ervé, un récit-témoignage construit par fragments, un texte à hauteur d’homme. Une vie de dignité depuis la DDASS jusqu’aux trottoirs, avec ses défonces, ses couches de vêtements…
Séverine, L’insurgée, L’échappée – par Charles Jacquier
Sympathisante libertaire et proche de Jules Vallès, Sévérine (Caroline Rémy, dite – 1855-1929) fut l’une des premières femmes journalistes. Au cours de sa vie, elle écrira plus de 6 000 articles…
Jack London, La peste écarlate, Libertalia – par Charles Jacquier
Publié en 1912, ce court roman d’anticipation méconnu de Jack London (1876-1916) imagine le sort de l’humanité, ou de ce qu’il en reste, quelques dizaines d’années après qu’elle a été frappée par un virus meurtrier.
Guy Debord, Histoire, L’échappée – par Charles Jacquier
Après les volumes Stratégie, Poésie etc., Marx Hegel (voir Phoenix, n° 32 & 36), ce nouveau volume des fiches de lecture de Guy Debord, conservées à la Bibliothèque nationale de France, est consacré à l’histoire.
Étienne Faure, Vol en V, éditions Gallimard – par Anne Gourio
Note de lectureComme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à...
Justyna Bargielska, L’enfant des dons, éditions LansKine – par Étienne Faure
C’est en version bilingue, grand luxe en ces temps, que le sixième recueil de la poète polonaise, Justyna Bargielska, est présenté par Isabelle Macor, traductrice, qui donne quelques repères décisifs en postface pour une entrée en matière dans ces trente-trois textes…
Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure
Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.
Eric Villeneuve, Tache jaune Monochrome bleu Sorte de blanc, éditions LansKine – par Étienne Faure
Eric Villeneuve est-il un grand enfant, nourri aux contes et au Danemark d’Andersen, entre Odense et Skagen ? Cet auteur qu’on a pris l’habitude de lire sous la rubrique « roman », livre ici un recueil un rien hybride qui prend son départ dans la force des mots, leur indépendance, dont, à la source, ceux de « Jensens, Brohus Odense ».
Thierry Romagné, Trois feux de langue, éditions Rehauts – par Étienne Faure
Un recueil qui commencerait par « Ahh, ahh, brr ! » et se clôturerait par « enfin en feu » serait bien prometteur. Un texte polyglotte prêt à tout. C’est en effet ce qui arrive au lecteur en découvrant cet étonnant et riche ensemble dont certains poèmes, pour notre bonheur, avaient d’abord paru dans plusieurs revues.
Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet
Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…