Note de lecture

François Migeot, Au fil de la chute, par Pierrick de Chermont

François Migeot, Au fil de la chute, Voix, Atelier du Grand Tétras, 2023.

L’écrivain, que peut aussi être le poète, ne se recoupe pas forcément. Par exemple, entre l’essayiste de l’Art Romantique et le poète des Fleurs du mal, peut-être les thématiques sont proches, mais la forme, le ton, l’esprit, non. De même, si j’ose, entre le poète de Clair-obscur et le nouvelliste d’Au fil de la chute : le premier est aérien, au sens bachelardien du terme, le second empoigne des scènes de vie dans une langue volontairement au plus proche du quotidien ; ici, un ton, un lyrisme contenu, méditatif, là une imagination au service de la « voix » de différents personnages, dans laquelle alternent la rage, le ressentiment, le drolatique, ponctués de références littéraires qui invitent à la reprise.

Le recueil réunit quatre sections, qui sont des regroupements chromatiques d’épisodes plus ou moins indépendants. La première série, Galères, est une confession de Cerbère, transposée aux jours présents, sur l’affaire d’Orphée et d’Eurydice, cette dernière n’ayant jamais été captive des Enfers, apprend-on. On y entend du Rap, on suit l’histoire sur Face Time, Photo Booth. On y lit une main-courante du ministère de l’Extérieur. On y suit une étourdissante affaire de sosies entre un philosophe et un poète (Orphée, peut-être mais pas sûr) qui embarquent sur une croisière pour une série de conférences. Bilan : « le monde est désenchanté, même les Enfers » (p. 26). La deuxième série, Embarcadères, traite de la peur à travers une ballade d’une touriste dans la Médina de Marrakech ; puis la vie et la violence d’un jeune, fils de professeur, en échec scolaire, les impressions d’un patient après une hémorragie, depuis l’hôpital jusqu’à son retour chez lui et les désarrois rageurs d’un ex-employé mis au chômage qui fait la manche auprès de ses collègues à l’entrée de l’université. Bilan : « Tant que vivant, restons comme la surprise du poème. » (p. 85). La troisième, Vie de famille, débute sur le témoignage d’une pensionnaire en EPHAD qui ne décolère pas contre l’abandon des siens ; se poursuit par l’aventure d’une mère qui se pique d’ouvrir un café littéraire, Le Café de flore (excusez du peu) et oblige son enfant Céleste à être garçon de café. La dernière s’achève dans le brouillard, « face au vide » où se tient « toute la généalogie de fantômes errants et sans logis dont tu es l’ultime chimère. » La dernière série, Postérité, est un hommage très émouvant au poète Ludovic Janvier. Elle se conclut en un cri sourd et vindicatif de foi en la littérature : « Foi dans le langage qui est l’alpha et l’oméga de la Fable. Espoir aussi qu’un dévoilement, fût-il celui du néant, pourrait éclairer l’absence de fond qui nous emporte. »

Finalement, la dimension poétique du nouvelliste François Migeot se trouve dans l’audace formelle de son Au fil de la chute : diversité de ton et de style, dans la construction finement kaléidoscopique des quatre séries, le jeu provoquant des références, et au bout, une parfaite imprévisibilité du point d’arrivée sauf une fois la dernière page atteinte.

Reste l’étonnant Prélude donné de ces cinq nouvelles, sous forme de poème. Je l’entends plutôt comme un envoi. Après les scènes hallucinées du bouquets de nouvelles, il me semble que le poète se retourne et reprend la route, choisi le mouvement, car « c’est en lui qu’on espère. / Au fil de la course, peut-être une issue, une passe dans l’attente. »

Pierrick de Chermont

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