Note de lecture

François Sureau, Un an dans la forêt, Gallimard – par Pierrick de Chermont

Blaise Cendrars. Un nom, un un-ivers, et pourtant il dégage une telle prolixité qu’il décourage toute tentative d’approche. En effet, quoi de commun entre la Prose du Transsibérien, Poèmes élastiques, Moravagine, Pâques à New York, L’Or, La main coupé, Petits contes nègres, etc. ?

Voici la proposition délicate de François Sureau : prendre une année dans la vie de l’auteur, 1938, celle du découragement comme celle de sa rencontre avec Elisabeth Prévost, avec laquelle il part vivre en secret une année dans la forêt des Ardennes, auprès de laquelle il se relance, avant de brutalement la quitter, happé par une guerre qui déjà recommence.

Mais cela ne suffirait pas à faire de récit un objet si ensorcelant pour la communauté des fidèles du bourlingueur. On y trouve une puissance de pénétration de l’œuvre imperceptiblement distillée tout au long des pages, pour aboutir, par exemple, à cette définition si profonde et si juste : « Cette œuvre profuse et forte, si bruyante parfois, est bâtie sur le silence, le regret et le remords. La fatalité et l’impuissance y sont chez elles. C’est une œuvre de l’erreur et du désarroi, qui témoigne des pouvoirs mystérieux de la faute. » Peut-être, par-delà les différences évidentes de vie entre Sureau et Cendrars, cette acuité provient d’une fraternité de goût et d’esprit d’aventure, qui s’exposent par des témoignages personnels de l’auteur, comme sa prise de poste d’aspirant au 12e régiment de chasseur, à Sedan. Peut-être aussi, cette acuité est tirée d’une écriture pareille à une conversation de confidences lors d’une fin soirée dans un relai de chasse, en plein hiver. Alors, sur les reflets du feu de cheminée qui entourèrent Sureau et le lecteur que je fus, passèrent fugacement des figures mystérieuses, Benoît Labre, Gustave Clément, Cole Porter, Hartung, Agatha Christie, ainsi que les futs et les clairières de grandes forêts – les Ardennes, de la Sologne, des joailleries verbales, comme « jaspée », servies sur des anecdotes érudites offertes comme de vieux alambics. Il y a du Malraux, chez l’auteur, sans la volonté d’embrasser les âges, mais dans cette complicité avec les ombres qui se meuvent muettement autour de nous.

Il y a aussi, dans ce petit livre, le portrait d’une femme éblouissante, Elisabeth Prévost, qui conjugue le voyage aventureux, l’écriture, l’indépendance solitaire, l’humour de ceux qui ne se rendent pas, l’entretien sauvage du mystère car il est le poumon vrai de son existence. Si, avec ces quelques mots, on comprend pourquoi Cendrars ait pu l’appeler « Madame mon copain », on devine également l’incroyable pudeur qui recouvre leurs relations – la part d’indicible que contient toute rencontre et dont aucun témoignage ne percera le secret. La valeur du récit alors sera de s’approcher le temps que dure la relation ; d’écouter par eux une humanité qui s’échange, comme autrefois le feu et la conversation dans le silence des veillées ; de constater son terme – toujours brusque – pour mieux nous en confier le mystère, cette « part des anges » que contient tout alcool de longue garde.

Pierrick de Chermont

François Bordes, Zone perdu, par Anne Mulpas

Zone perdue – fragments d’itinérance. Je reprends ma chronique. Sa première version date déjà d’il y a trois semaines. A L’ours & la vieille grille. Sa deuxième version s’impose après mon cheminement dans l’exposition Rothko. Me voici au troisième temps du texte, à moins que ce ne soit le quatrième, le centième…

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Étienne Faure, Vol en V, éditions Gallimard – par Anne Gourio

Note de lectureComme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à...

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Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure

Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.

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Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet

Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…

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