Note de lecture

Jean-Jacques Gandini, Le procès Papon, Le passager clandestin

Jean-Jacques Gandini, Le procès Papon, préface de Johann Chapoutot, postface d’Arié Alimi, le passager clandestin, 2025, 240 p., 12 euros.

Le 8 octobre 1997 débutait le procès de Maurice Papon (1910-2007) devant la cour d’assises de Bordeaux, après des années de batailles juridiques. C’est en effet en 1981 que les premières plaintes avaient été déposées contre l’accusé pour « crimes contre l’humanité » à l’initiative de victimes ou de leurs descendants.

L’auteur du livre, avocat de profession et membre de la Ligue des droits de l’homme, assista en observateur à l’intégralité des audiences et en tira un petit livre, Le Procès Papon : histoire d’une ignominie ordinaire au service de l’État (Librio, 1999) qu’il reprend et complète pour cette nouvelle édition.

Informés et clairs, les différents chapitres du livre présentent l’ensemble de l’affaire à partir de la question initiale « Pourquoi Papon ? ». En effet, son procès venait après ceux, évidents, de Klaus Barbie, le tortionnaire nazi bourreau de Jean Moulin et des enfants d’Izieu, en 1987, puis celui du milicien psychopathe et antisémite Paul Touvier en 1994. Le profil de Maurice Papon est tout autre puisque celui-ci a accompli une longue carrière de haut fonctionnaire et d’homme politique sous l’égide des radicaux-socialistes de la IIIe république, puis de Vichy, des socialistes après 1945, du gaullisme après 1958, devenant député du Cher en 1968, rapporteur de la commission des finances à l’Assemblée nationale (1973-1978) et ministre du Budget du gouvernement de Raymond Barre en 1978. Comme l’écrit Gandini, il couronnait ainsi « cinquante ans de carrière politico-administrative ininterrompue sous quatre régimes différents et en “épousant” à chaque fois la couleur dominante du moment ». Ce « si brillant » parcours s’achève avec la publication le 6 mai 1981 dans Le Canard enchaîné d’un article en Une intitulé « Quand un ministre de Giscard faisait déporter des Juifs. Papon, aide de camp ».

L’ouvrage examine ensuite le contexte d’un régime de Vichy complice de l’extermination des Juifs ; l’objet de la poursuite qui vise Papon, à savoir sa responsabilité dans les rafles et les convois à destination d’Auschwitz via Drancy partis de la région bordelaise ; le double jeu de Papon par rapport à la Résistance quand la défaite allemande semble assurée. Celui-ci lui réussit au nom de la continuité de l’État : « Le 23 août 1944, sans avoir cessé jusque-là d’exercer ses fonctions de secrétaire général de la préfecture vichyste, Maurice Papon est nommé par le nouveau commissaire de la République, Gaston Cusin, préfet des Landes et directeur de son cabinet. » Au bout de six mois de procès, le verdict tombe : Papon est coupable de complicité de crime contre l’humanité, mais demeure en liberté du fait du caractère suspensif du pourvoi en cassation déposé par ses avocats qui, après son rejet, saisiront la Cour européenne des droits de l’homme. Le décès de Maurice Papon le 8 février 2007 met fin à des décennies de procédure judiciaire.

Jean-Jacques Gandini évoque encore dans un dernier chapitre additionnel la responsabilité de Papon, alors préfet de police de Paris, dans la répression de la manifestation des Algériens du 17 octobre 1961 où celui-ci n’est pas le seul en cause mais apparaît « en première ligne ». Gandini juge à juste titre que la reconnaissance du 17 octobre 1961 comme crime d’État est encore « inachevée » ; elle n’en a pas moins été en partie reconnue, y compris au plus haut niveau, grâce, en particulier, au travail de quelques historiens et archivistes qui ont réussi à alerter l’opinion publique. Par rapport à d’autres pays confrontés à des pages sombres de leur histoire, la société française n’est pas la pire si l’on songe au traitement du passé franquiste de l’Espagne jusqu’à nos jours dans ce pays, sans parler du négationnisme d’État dans la Russie de Poutine où celui-ci joue les historiens en chef, interdisant l’ONG Mémorial en même temps qu’il lançait sa deuxième guerre d’agression contre l’Ukraine[1].

Charles Jacquier

[1] Nicolas Werth, Poutine historien en chef, Tracts/Gallimard, 2022.

Anne Mulpas, Macadam donna (ça me trouble), éditions de Corlevour

Au magnifique catalogue des poètes parus aux éditions de Corlevour, Anne Mulpas vient ajouter une voix très sûre et singulière qui prend ici racine en Terre, Terra, Gaïa ou tapis des vaches, en toutes sortes de décors plantés pour faire entendre en un recueil polyphonique les « trois protagonistes du vivier »

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John Reed, Broadway la nuit et autres écrits, Nada

Le livre de John Reed, 10 jours qui ébranlèrent le monde, a connu depuis sa première publication en 1919 à New York de nombreuses traductions et d’innombrables rééditions, devenant un best-seller international depuis plus d’un siècle. Actuellement, en France, il en existe deux éditions de poche et plusieurs brochées, la meilleure et la plus complète étant sans doute celle des éditions Nada…

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Howard Fast, La route de la liberté, Les bons caractères

Auteur fécond et divers, le romancier et scénariste états-unien Howard Fast (1914-2003), d’origine juive ukrainienne, est l’auteur d’une cinquantaine de romans et de plusieurs recueils de nouvelles. Adhérent du Parti communiste américain, il figure aussi parmi les victimes de la commission McCarthy.

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Mélusine Reloaded, Laure Gauthier, éditions José Corti

Jour chômé_un temps pour soi. Derrière la porte close, choisir un livre, se laisser appeler. MÉLUSINE RELOADED > une fée pour recharger les batteries, trouver des munitions, celles du vivre et du créer. Un conte écoféministe, un roman dystopique… oui sans doute… mais avant tout un geste.

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Gérard Macé, Silhouette parlante, éditions Gallimard, par Etienne Faure

Pour celles et ceux qui ont la chance de lire régulièrement Gérard Macé, c’est toujours le sourire aux lèvres qu’ils abordent un de ses nouveaux ouvrages. Car cette voix très distincte, distinguée, feutrée – et même féroce– nous a habitué à lire avec cette légère distance focale entre les lignes de la vie qu’il donne à voir sous forme d’essais, de notes, de déambulations, de colportages…

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Zone perdue – fragments d’itinérance. Je reprends ma chronique. Sa première version date déjà d’il y a trois semaines. A L’ours & la vieille grille. Sa deuxième version s’impose après mon cheminement dans l’exposition Rothko. Me voici au troisième temps du texte, à moins que ce ne soit le quatrième, le centième…

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Comme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à tire-d’aile…

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Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure

Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.

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Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet

Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…

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