Note de lecture

Howard Fast, La route de la liberté, Les bons caractères, 2024, 372 p.

Auteur fécond et divers, le romancier et scénariste états-unien Howard Fast (1914-2003), d’origine juive ukrainienne, est l’auteur d’une cinquantaine de romans et de plusieurs recueils de nouvelles. Adhérent du Parti communiste américain, il figure aussi parmi les victimes de la commission McCarthy. Il a écrit de nombreux romans policiers sous pseudonyme, dont celui de E.V. Cunningham, souvent traduits dans la « Série noire ». Il s’est aussi consacré à des romans historiques dont le plus célèbre est Spartacus, paru en 1951 et adapté au cinéma par Stanley Kubrick dans un film sorti en 1960 avec Kirk Douglas dans le rôle principal.

C’est à un épisode majeur de l’histoire des États-Unis que ce roman, La route de la liberté, est consacré. Dans sa conclusion, Fast indique les deux légitimes questions que le lecteur peut se poser, une fois le livre terminé : « Qu’y a-t-il de vrai dans cette histoire ? Et, si elle est vraie, pourquoi n’a-t-on pas dit cela plus tôt ? » À la première, il répond sans détour : « tous les éléments essentiels de ce récit sont authentiques. » Quant à la seconde, il précise : « Non seulement les témoignages matériels ont disparu, non seulement les gens qui y ont participé ont été massacrés, mais on s’est attaché à en effacer jusqu’au souvenir. »

De quoi s’agit-il ? Le roman s’ouvre sur la période qui suit la guerre de Sécession (1861-1865). Après celle-ci et la défaite des États du Sud, les anciens esclaves sont en théorie émancipés. Or, comme chacun sait, les mêmes États vont être le siège d’une terrible apartheid racial durant quasiment un siècle, jusqu’au mouvement des droits civiques des années 1950-1960 qui le remettra en cause. Le récit d’Howard Fast relate cette période de huit années entre la fin de la guerre et le début de la période qui voit le Ku Klux Klan s’imposer par la force pour rétablir la ségrégation raciale et faire, au mieux, des Afro-américains des citoyens de seconde zone, éclairant le paradoxe d’une guerre civile faite pour permettre la fin de l’esclavage alors que va proliférer des décennies durant ladite ségrégation ?

Le récit relate la vie de Gidéon Jackson, un ancien esclave parti se battre aux côtés des troupes du Nord pour obtenir la fin de l’esclavage. À son retour dans sa terre natale, en Caroline du Sud, où il retrouve sa famille, il est élu délégué à la Convention constitutionnelle de cet État chargée de légaliser l’abolition de l’esclavage et d’établir une nouvelle constitution favorable au plus grand nombre. Dans ce combat pour l’égalité, la liberté de tous et la terre pour ceux qui la travaillent, Jackson va tenter de se rapprocher avec succès des Blancs, souvent pauvres, qui ont tout intérêt à la venue de cette nouvelle société progressiste. Mais les anciennes classes possédantes n’ont pas renoncé à retrouver leur position dominante et leurs privilèges et, au bout de plusieurs années, Gidéon Jackson et les siens tout comme les Blancs qui les avaient suivis seront les victimes d’une réaction aveugle, injuste et violente. Cependant, au cours de sa vie, il avait pu constater qu’il était possible de vivre d’égal à égal : « peu lui importait, pensait-il, que ce fût un Blanc ou un Noir ; pas de condescendance, pas de barrière de race ».

En revenant sur cette « période de liberté et de coopération des Blancs et des Noirs dans le Sud » détruite par la plus sombre réaction, Howard Fast fait non seulement œuvre utile en rappelant un épisode occulté de l’histoire américaine, dominée depuis jusqu’à l’obsession par la « question raciale », mais il démontre aussi magistralement que celle-ci est un piège mortel pour diviser les classes populaires au seul profit des dominants.

Charles Jacquier

John Reed, Broadway la nuit et autres écrits, Nada

Le livre de John Reed, 10 jours qui ébranlèrent le monde, a connu depuis sa première publication en 1919 à New York de nombreuses traductions et d’innombrables rééditions, devenant un best-seller international depuis plus d’un siècle. Actuellement, en France, il en existe deux éditions de poche et plusieurs brochées, la meilleure et la plus complète étant sans doute celle des éditions Nada…

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Mélusine Reloaded, Laure Gauthier, éditions José Corti

Jour chômé_un temps pour soi. Derrière la porte close, choisir un livre, se laisser appeler. MÉLUSINE RELOADED > une fée pour recharger les batteries, trouver des munitions, celles du vivre et du créer. Un conte écoféministe, un roman dystopique… oui sans doute… mais avant tout un geste.

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Gérard Macé, Silhouette parlante, éditions Gallimard, par Etienne Faure

Pour celles et ceux qui ont la chance de lire régulièrement Gérard Macé, c’est toujours le sourire aux lèvres qu’ils abordent un de ses nouveaux ouvrages. Car cette voix très distincte, distinguée, feutrée – et même féroce– nous a habitué à lire avec cette légère distance focale entre les lignes de la vie qu’il donne à voir sous forme d’essais, de notes, de déambulations, de colportages…

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François Bordes, Zone perdue, par Anne Mulpas

Zone perdue – fragments d’itinérance. Je reprends ma chronique. Sa première version date déjà d’il y a trois semaines. A L’ours & la vieille grille. Sa deuxième version s’impose après mon cheminement dans l’exposition Rothko. Me voici au troisième temps du texte, à moins que ce ne soit le quatrième, le centième…

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Comme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à tire-d’aile…

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Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure

Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.

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Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet

Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…

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