Note de lecture

Mélusine Reloaded, Laure Gauthier, éditions José Corti

Chronique de ciel-qui-lit /  juin 2025

Jour chômé_un temps pour soi. Derrière la porte close, choisir un livre, se laisser appeler.

MÉLUSINE RELOADED > une fée pour recharger les batteries, trouver des munitions, celles du vivre et du créer. Un conte écoféministe, un roman dystopique… oui sans doute… mais avant tout un geste. Esprit songe «  une  », «  une geste  » pour le désir épique, la racontée d’un personnage aux exploits magiques.

Un temps pour soi_l’acte de lire passe par le corps : se poser, se dévêtir d’une certaine fatigue de la pensée pour que le charme ait lieu, qu’un chant autre s’insinue, infiltre les tissus profonds. Qu’un désir hybride serpente dans l’imagination.

Un samedi donc, jour des courses, du slalom dans les rayons effarants de la consommation. Un samedi à soi, s’immerger dans un livre qui sent le livre. Une parenthèse enchantée, en chantier puisque Mélusine justement et ses talents de bâtisseuse dans un monde déjà ruiné.

Cloison de peau. Cuir du monde.
Outre du souffle dont s’échappent_des chants qui ne prétendent rien.

Désir enseveli/ Flux mortifère. Post-démocratie. Tensions totalitaires.

Au premier temps du livre, ciel-qui-lit avance dans ce qu’elle connait du «  monde mondialisé », sourit parfois de ce qui persiffle de folie, d’absurde, en somme se reconnait dans le vertige et l’amertume.

_Longtemps la société s’était construite en s’ouvrant et en classant, désormais elle périclitait en se fermant et en ignorant. Plus de cadastre dans le naufrage.

_On ne pouvait plus faire grand chose.

Cependant. Comment vouloir garder de soi que la mue, inerte ?

Quelque chose frétille dans la marge. Entre les lignes. Poésie fait / Parole fée. Le récit propose de construire. Bâtir. En acceptant de

_ralentir, réfréner
…réunir, traverser et repenser

Poétique/Politique.

Pas de croisades, mais un croisement, le carrefour des présents.

Au temps asséché, MÉLUSINE RELOADED offre un baquet d’imaginaire, une immersion salutaire dans l’Instant. Poésie, malgré son épuisement, langue malgré sa réduction, son asphyxie, vibrent encore.

MÉLUSINE RELOADED_lente mue, possible mutation.

De la bercée des eaux légendaires vient la métamorphose. La langue taille, desquame et d’une phrase qui déjoue celle qui la précède_au présent coulissant_ irrigue Cœur autant qu’Esprit.

MÉLUSINE RELOADED au temps compté, le conte filé, l’espoir (ré)incarné.

_L’amour aura marqué le sol, se dit-elle. L’amour empreinte le temps.

Page d’après_Tu penses à ce présent à venir qui aura été, votre présent passé à venir, en léger hors-champ du monde. Et ce «  tu  » (sans majuscule, je sais, j’ai «  enten-lu  », mélusine)), ciel-qui-lit le suit, s’étonne d’une joie de vieil enfant ravi de tenir au creux de sa paume le cœur encore palpitant du_dernier moineau commun_assommé par nos vitrines.

Paupière cille, juste avant l’envolée. L’échappée belle.

Vaste bibliothèque bleue au détours des idées. Ce que l’on sait, par devers soi, du chant des forêts, de la mousse du secret. La fée, tout au long de son mandat, imagine _une construction en forme de fougère, une fougère à peine fanée où chaque bras se déployait en une courbe douce, ciel-qui-lit comprend d’une page l’autre la capillarité.

MÉLUSINE RELOADED. Double nature et le mouvement dedans, la vie au-dehors.

…ralentir, réfréner, réunir, traverser et repenser …avorter d’héritages à venir qui ne sont pas les nôtres / enfanter le présent «  avec  » – même les fours à chaux et les fenêtres opaques.

Pour quoi ? Pour_l’intimité préservée de la femme mi-animale, mi-écrivaine, l’hybride, l’étrangère. Pour aimer la gruge, nos contradictions.

Amour lichen, Phébus éphémère, spores désirant.

Dans la nudité de la lecture, ciel-qui-lit s’échoue au bord de la nuit qui viendra la réécrire assurément. S’émouvant sans relâche, comme la fée vieillie, «  de la beauté de ce qui tombe mais existe ». Mélusine ne meurt pas, preuve en est puisqu’avec Laure Gauthier, elle n’en a toujours pas fini de nous dévoiler tout ce qu’il nous est encore possible de rêver et d’aimer_entre nos ruines qui ont le temps qui panse.

Anne Mulpas

Gérard Macé, Silhouette parlante, éditions Gallimard, par Etienne Faure

Pour celles et ceux qui ont la chance de lire régulièrement Gérard Macé, c’est toujours le sourire aux lèvres qu’ils abordent un de ses nouveaux ouvrages. Car cette voix très distincte, distinguée, feutrée – et même féroce– nous a habitué à lire avec cette légère distance focale entre les lignes de la vie qu’il donne à voir sous forme d’essais, de notes, de déambulations, de colportages…

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François Bordes, Zone perdue, par Anne Mulpas

Zone perdue – fragments d’itinérance. Je reprends ma chronique. Sa première version date déjà d’il y a trois semaines. A L’ours & la vieille grille. Sa deuxième version s’impose après mon cheminement dans l’exposition Rothko. Me voici au troisième temps du texte, à moins que ce ne soit le quatrième, le centième…

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Comme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à tire-d’aile…

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Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure

Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.

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Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet

Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…

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